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Droits des femmes et femmes lésées en 2023

L’année a été marquée par des progrès en matière de droits des femmes dans certains pays, comme l’introduction du congé menstruel en Espagne, la tentative de la France d’inscrire le droit à l’avortement dans la constitution et l’arrivée du mouvement #MeToo à Taiwan. Mais il y a eu aussi des revers en 2023, depuis les décrets des talibans renforçant les restrictions imposées aux femmes afghanes jusqu’à ce que l’ONU a appelé une « épidémie mondiale de féminicide ».

L’année 2022 a été marquée par des convulsions majeures dans le domaine des droits des femmes à travers le monde, depuis l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême des États-Unis jusqu’aux slogans « Femme, vie, liberté » en Iran, qui ont été suivis d’une répression gouvernementale massive.

Cette année a été marquée par des évolutions plus graduelles, allant des attaques continues contre la diminution du droit à l’avortement aux États-Unis à la disparition progressive des femmes de la vie publique en Afghanistan.

FRANCE 24 revient sur quelques évolutions majeures de l’année 2023 qui ont marqué les droits des femmes à travers le monde.

L’Espagne devient le premier pays européen à introduire le congé menstruel

La ministre espagnole de l’Égalité, Irene Montero, après un vote parlementaire à Madrid, le 22 décembre 2022. © Thomas Coex, AFP

En février, l’Espagne est devenue le premier pays européen à adopter une loi créant un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses. La ministre de l’Égalité, Irene Montero – du parti d’extrême gauche Podemos, qui fait partie de la coalition au pouvoir dirigée par les socialistes – a qualifié cela de « jour historique pour le progrès féministe ».

La loi, adoptée par 185 voix pour et 154 contre, autorise les salariés souffrant de douleurs menstruelles à prendre des congés, le système de sécurité sociale de l’État – et non les employeurs – prenant en charge la note.

Comme pour les congés payés pour d’autres raisons de santé, ils nécessitent l’accord d’un médecin. La durée du congé de maladie n’est pas précisée dans la loi.

La nouvelle législation autorise également les mineures âgées de 16 et 17 ans à avorter sans autorisation parentale, annulant ainsi une exigence introduite par un précédent gouvernement conservateur en 2015.

En savoir plusL’Espagne adopte la première loi européenne sur le congé menstruel

La vague #MeToo atteint les côtes de Taiwan

Chen Chien-jou, 22 ans, lors d'une interview à New Taipei City, Taiwan, pendant la crise du mouvement #MeToo.
Chen Chien-jou, 22 ans, lors d’une interview à New Taipei City, Taiwan, pendant la crise du mouvement #MeToo. © Sam Yeh, AFP

C’est une série Netflix qui a déclenché le mouvement #MeToo à Taiwan – plus de cinq ans après que l’affaire d’abus d’Harvey Weinstein ait déclenché une campagne de sensibilisation menée sur les réseaux sociaux aux États-Unis et dans de nombreuses régions du monde.

« Wave Makers », une série dramatique de huit épisodes sur Netflix sortie en avril, est un thriller politique qui révèle le fonctionnement interne d’une équipe fictive de campagne présidentielle – et comment les femmes au pouvoir sur l’île gèrent le harcèlement sexuel.

L’effet a été instantané. Au cours des semaines qui ont suivi, plusieurs femmes taïwanaises ont brisé les tabous sociaux pour révéler leurs expériences professionnelles. Les employées du Parti démocrate progressiste au pouvoir ont lancé la première grande vague en accusant de puissants politiciens de harcèlement et d’agression sexuels. Le phénomène s’est étendu aux milieux culturels et universitaires, les victimes présumées accusant des célébrités, des médecins et des professeurs.

Un an après l’annulation de l’affaire Roe v. Wade, les batailles contre l’avortement font rage aux États-Unis

Des manifestants pour le droit à l’avortement lors d’un rassemblement à Washington, DC, le 24 juin 2023.
Des manifestants pour le droit à l’avortement lors d’un rassemblement à Washington, DC, le 24 juin 2023. © Andrew Caballero-Reynolds, AFP

Dans sa décision de juin 2022 qui a annulé Roe v. Wade, la Cour suprême des États-Unis a mis fin à un demi-siècle de protection fédérale du droit à l’avortement et a permis à chaque État de légiférer sur la question.

Dans 14 États, l’avortement a été interdit, dans certains cas sans exception pour le viol ou l’inceste. D’un autre côté, 17 États ont adopté des lois ou organisé des référendums pour protéger le droit à l’avortement.

Dans d’autres États, l’accès à l’avortement n’est pas interdit, mais est menacé par des lois visant à restreindre ou interdire cette procédure. C’est notamment le cas du Montana, du Wyoming, de l’Indiana et de l’Ohio.

En avril, une bataille juridique autour de la pilule abortive a ouvert un nouveau front dans la bataille américaine pour les droits reproductifs lorsqu’un juge d’un tribunal de district du Texas a invalidé l’approbation de la pilule abortive par la Food and Drug Administration (FDA).

Quelques jours plus tard, une cour d’appel a annulé certaines parties de la décision du juge du Texas, mais a confirmé de nombreuses restrictions sur l’accès à la mifépristone, le médicament abortif. Le ministère de la Justice sous l’administration Biden ainsi que l’entreprise fabriquant de la mifépristone ont demandé une aide d’urgence à la Cour suprême, qui a temporairement suspendu tout changement.

En décembre, la Cour suprême a accepté d’entendre un appel de la FDA et du fabricant de mifépristone Danco Laboratories. Une décision est attendue d’ici fin juin 2024, faisant du droit à l’avortement un sujet de campagne probable avant l’élection présidentielle américaine de 2024 en novembre.

Au sud de la frontière américaine, le Mexique décriminalise l’avortement

Une manifestante en faveur de la dépénalisation de l'avortement à Mexico le 28 septembre 2023.
Une manifestante en faveur de la dépénalisation de l’avortement à Mexico le 28 septembre 2023. © Silvana Flores, AFP

À contre-courant des autres pays d’Amérique latine et des États-Unis, le Mexique a décriminalisé l’avortement dans tout le pays le 6 septembre.

Dans un jugement historique, la Cour suprême du Mexique a statué que les sanctions pénales en cas d’interruption de grossesse étaient inconstitutionnelles.

L’avortement a déjà été décriminalisé dans une douzaine des 32 États du pays. La capitale, Mexico, a été la première juridiction d’Amérique latine à autoriser l’avortement, en 2007.

Macron annonce un projet de loi pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution française

Lecture des pancartes
Sur des pancartes on pouvait lire « Mon corps, mon choix » (à gauche) et « L’avortement dans la Constitution » lors d’un rassemblement devant le Sénat à Paris, le 1er février 2023. © Ludovic Marin, AFP

Dans un discours prononcé le 8 mars, Journée internationale de la femme, le président Emmanuel Macron a annoncé son intention de présenter un projet de loi inscrivant le droit à l’avortement dans la Constitution française.

Cet engagement a été pris lors d’un hommage à la militante féministe Gisèle Halimi, qui a joué un rôle clé dans l’adoption de la loi Veil de 1975 accordant aux femmes le droit à l’avortement et à la contraception.

Sept mois plus tard, le président français accélère le pas en révélant qu’un avant-projet serait soumis au Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative de France, pour que « d’ici 2024, la liberté des femmes d’avorter soit irréversible ».

En savoir plusLe défi de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution française

Les talibans glissent sur le terrain de « l’apartheid de genre » et des « crimes contre l’humanité »

Des femmes afghanes attendent de recevoir l'aide du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à Ghazni, en Afghanistan, le 31 octobre 2023.
Des femmes afghanes attendent de recevoir l’aide du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à Ghazni, en Afghanistan, le 31 octobre 2023. © Mohammad Faisal Naweed, AFP

L’année a commencé avec l’interdiction faite par les talibans aux femmes afghanes de travailler dans les organisations humanitaires nationales et internationales. Cela s’est terminé par un décret imposant la fermeture des salons de beauté réservés aux femmes, l’un des rares endroits en Afghanistan où les femmes pouvaient se rassembler en dehors de chez elles.

Depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021, les droits des femmes afghanes n’ont cessé de reculer, exposant le pays pauvre à « la plus grave crise des droits des femmes au monde », selon Human Rights Watch.

Les talibans ont « complètement démantelé le système » qui avait été développé pour répondre aux violences domestiques et basées sur le genre en Afghanistan, a noté l’organisation de défense des droits basée à New York. L’interdiction des salons de beauté a entraîné la fermeture de « l’un des derniers refuges de soutien mutuel entre les femmes afghanes ». Environ 60 000 femmes ont perdu leur emploi.

Dans un rapport conjoint au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan et le groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ont déclaré que les actions des talibans « pourraient équivaloir à un apartheid de genre ».

Le rapport note également que la grave discrimination « peut équivaloir à une persécution sexiste – un crime contre l’humanité ».

En savoir plusL’interdiction des ONG en Afghanistan pour les femmes révèle des divisions dans les rangs des talibans

L’Iran durcit les sanctions contre les femmes qui défient les règles du hijab

Une femme brandit une pancarte avec une photo de Mahsa Amini lors d'une manifestation de solidarité à Hasakeh, dans le nord-est kurde de la Syrie, le 25 septembre 2022.
Une femme brandit une pancarte avec une photo de Mahsa Amini lors d’une manifestation de solidarité à Hasakeh, dans le nord-est kurde de la Syrie, le 25 septembre 2022. © Delil Souleiman, AFP

Le 20 septembre, quelques jours après le premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini, le parlement iranien a approuvé un projet de loi augmentant les peines de prison, les amendes et les sanctions pour les femmes et les filles qui enfreignent les codes vestimentaires stricts du pays.

Les sanctions ont également été augmentées pour les employeurs ainsi que pour les dirigeants de centres commerciaux et de petites entreprises qui ne respectent pas le code vestimentaire.

Ces mesures juridiques interviennent après près d’un an de manifestations au cours desquelles des femmes sont apparues en public sans leur hijab alors que la colère suscitée par la mort d’Amini alors qu’il était en détention explosait dans les rues d’Iran.

Suite à la répression brutale des manifestations, de nombreuses Iraniennes ont continué à enregistrer et à publier des clips et des publications anti-hijab sur les réseaux sociaux. Les nouvelles mesures incluent des sanctions pour « moquerie du hijab » dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Avant que le projet de loi devienne loi, il doit être approuvé par le puissant Conseil des Gardiens iraniens.

En savoir plusUn an après la mort de Mahsa Amini, l’Iran écrase les manifestations contre le port du voile

Le monarque marocain appuie encore une fois la réforme du code de la famille

Le 26 septembre, le roi Mohammed VI du Maroc a adressé une lettre au chef du gouvernement du pays, le Premier ministre Aziz Akhannouch, chargeant ce dernier de veiller à la révision du code de la famille du pays.

La lettre faisait suite à un discours prononcé par le monarque le 30 juillet 2022 – marquant les festivités annuelles du « Jour du Trône » du pays, lorsque Mohammed VI a appelé à une révision de la Mudawana, le code de la famille marocain.

Ce discours a fait naître l’espoir des femmes marocaines – privées de nombreux droits tels que l’héritage, la pension alimentaire et la garde – de voir leurs droits de genre renforcés dans le royaume.

Dans sa lettre au Premier ministre, le roi a déclaré que le code de la famille devait respecter le principe d’une « large consultation participative » avec toutes les parties concernées, y compris les militants et les experts de la société civile.

Le roi a également demandé au Premier ministre d’accélérer la réforme afin qu’une première version du texte puisse lui être présentée d’ici six mois.

Le code de la famille, déjà réformé en 2004, a permis la responsabilité conjointe entre époux, a relevé l’âge minimum du mariage à 18 ans, a accordé aux femmes le droit de demander le divorce et la liberté de choisir un mari sans l’autorisation d’un tuteur. Mais le poids de la tradition et le pouvoir discrétionnaire laissé aux juges – au grand regret des militants des droits des femmes – ont créé un écart important entre le texte et l’application du code de la famille.

Le féminicide atteint un record mondial

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Une femme porte un masque lors d’une manifestation « Not One Less » contre le féminicide devant le Congrès à Buenos Aires, en Argentine. © Luis Robayo, AFP

Environ 89 000 femmes et filles ont été délibérément tuées en 2022, le nombre annuel le plus élevé enregistré au cours des 20 dernières années, selon une étude réalisée par le Service de recherche et d’analyse des tendances de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et ONU Femmes.

Dans une déclaration commune publiée à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes a appelé à mettre fin à « l’épidémie mondiale de féminicide ».

Même si #MeToo et d’autres mouvements « ont brisé le silence et démontré que la violence contre les femmes, les filles et les adolescentes se produit dans toutes nos communautés, ils n’ont pas toujours été suivis de réformes adéquates des lois et des politiques, et n’ont pas non plus produit les résultats et les changements indispensables. » dans la vie quotidienne des femmes », note le communiqué.

Cet article a été traduit de l’original en français.

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