Le meilleur biopic musical du mois ne parle pas de Springsteen, mais d’Aznavour
Charles Aznavour devient un ambassadeur de la chanson française à travers le monde. Le cinéma lui devait un film à la hauteur et voilà qu’il paie enfin sa dette avec la voix rauque et chaleureuse de l’artiste dans un remarquable biopic qui vient de sortir en salles. Il est difficile de deviner quelle est la clé du succès ou l’équilibre entre les éléments avec lesquels on obtient un résultat capable d’émouvoir massivement le public, mais il y est parvenu. « Je pense avoir trouvé la formule, la formule Aznavour », déclare le chanteur dans l’un des moments de ce film. Pourtant, de l’extérieur, sa voix faisait partie de ces réussites impossibles à anticiper, à deviner ou à concevoir, qui ne peuvent s’expliquer que par une recherche inlassable à tout prix depuis sa plus tendre enfance, lorsque le chanteur a découvert à quel point il aimait être sur scène.
C’est ce que montre ce film, écrit et réalisé par Mehdi Idir et Grand Corps Malade, qui, depuis sa première en France, pays d’origine de l’artiste de parents arméniens, a attiré plus de deux millions de spectateurs au cinéma, en partie animés par le désir de voir à l’écran la vie, les réalisations et les ambitions de l’un des noms les plus internationaux de la culture française, mais aussi d’entrevoir précisément la magie, l’astuce et la touche enfoncées par ceux qui laissent tout le monde pantois. Aznavour a vécu de nombreuses années, trop pour ne pas devenir un mythe. Il n’était ni beau, ni attirant, ni même grand, mais quand il chantait, la vibration de ses tons graves envoûtait tout le monde.
Monsieur Aznavour, Le titre du film, revient sur les origines de l’artiste, fils d’exilés arméniens qui ont fui le génocide dans leur pays, et montre les moments difficiles que la famille a dû vivre. Le chanteur, comme il le plaisante lors d’une conversation avec sa sœur alors qu’il était déjà une star, est passé du manque d’argent pour manger au manque de temps.
Le français Frank Sinatra, comme on l’appelait, est montré dans ce biopic comme un travailleur infatigable, obsédé par l’idée de devenir une star de la chanson et de devenir indépendant, tant du poids familial que des musiciens qui, bien qu’ils aient stimulé sa carrière dans les premiers instants, deviennent également un fardeau pour ses objectifs de vie. Il s’agit essentiellement de Pierre Roche, avec qui il chante en duo quelques-unes des chansons qui lui ouvrent les portes de la chanson, et d’Edith Piaf, pour qui il ouvre et qui lui fait parfois office de chauffeur. Se séparer d’eux a été la clé pour décoller et trouver sa voie, cette clé qui assure le succès, cette fenêtre qui l’a conduit au succès dans d’autres pays jusqu’à atteindre tous les coins de la planète. Pour ce faire, Aznavour a eu recours à une exigence de soi rarement vue, qui s’explique en partie par une insécurité latente, et qui est si bien incarnée par l’acteur Tahar Rahim, connu notamment pour avoir joué dans Un Prophète de Jacques Audiard. On finit par ne pas savoir quel est ce secret que ceux qui réussissent semblent garder avec tant de méfiance, si la détermination et le courage comptent plus ou si le talent fait son chemin malgré les obstacles.
