Marine Le Pen prend de l'ampleur dans une France chaotique

Marine Le Pen prend de l’ampleur dans une France chaotique

Il y a des victoires qui, aussi symboliques soient-elles, ont une saveur particulière en politique. Pour la première fois depuis la naissance de son parti il ​​y a plus de 50 ans, le parti de Marine Le Pen, désormais rebaptisé, a remporté cette semaine un succès spectaculaire à l’Assemblée nationale avec l’approbation d’une mesure proposée par son groupe.

Par 185 voix contre 184, les députés français ont apporté leur soutien au projet de loi visant à dénoncer les accords d’immigration conclus avec l’Algérie en 1968, soit six ans après la signature de l’indépendance de cet ancien territoire français.



L’accord, renforcé en 1980, accorde aux citoyens algériens des privilèges d’entrée, de séjour, de regroupement familial et d’assistance sociale sur le territoire français dont aucun citoyen d’aucune autre ancienne colonie française ne bénéficie. Un héritage résultant de l’autoflagellation et du complexe de culpabilité dont la France ne peut se débarrasser alors que plus de soixante ans se sont écoulés depuis la fin du conflit armé qui a conduit à l’indépendance de ce pays du Maghreb.

«Une victoire historique», a proclamé Marine Le Pen, et qui révèle aussi la situation de faiblesse de Paris vis-à-vis d’Alger, après la décision du président Emmanuel Macron de soutenir la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en juillet 2024. Depuis cette date, l’Algérie a déclenché une guerre diplomatique qui se traduit, entre autres mesures, par le refus d’accepter les terroristes et criminels algériens avec un ordre d’expulsion du territoire français, la rupture des relations commerciales et culturelles (les Français disparaissent de l’enseignement dans les écoles et universités) ou le retrait de l’ambassadeur en Alger, qui entretient des relations à moitié gelées entre les deux pays.

Marine Le Pen est également devenue la principale défenseure politique de l’écrivain franco-algérien Bualem Sansal, enfermé dans une prison algérienne depuis son arrivée en visite privée dans son pays, le 16 novembre 2024, quatre mois seulement après avoir obtenu la nationalité française. Pour le leader du « Regroupement national » (RN), le portrait de Sansal devrait être affiché à l’Assemblée nationale et dans les sièges des médias publics et des organismes culturels. L’écrivain est en réalité un otage français aux mains de l’Algérie, à l’image du journaliste sportif Christophe Gleizes, arrêté en mai dernier en Kabylie, la région rebelle de l’est du pays.

« Votez avec le diable »

La victoire parlementaire de Le Pen n’a aucune conséquence juridique, mais sa valeur symbolique est énorme, car elle confirme, entre autres, l’explosion du « cordon sanitaire » que le reste des partis appliquait au RN, considéré comme un démon politique, une peste. En effet, la proposition de la droite nationale a été soutenue par des députés de la droite traditionnelle et l’abstention de certains représentants du parti macroniste « Renaissance », dont les troupes étaient absentes en masse, stratégiquement, au moment du vote. Rappelons que tant le chef du parti centriste « Renaissance », Gabriel Attal, que la formation également ancien premier ministre, Edouard Philippe, (« Horizons », centre-droit), avaient déjà exprimé leur soutien à la dénonciation des accords de 1968. le vote le prouve.

Comme prévu, la gauche, qui bâtit toute sa stratégie électorale sur la conquête du vote des Français musulmans, a crié au scandale, même si l’absence d’une cinquantaine de ses représentants a favorisé le succès de Le Pen. Le journal « progressiste » et « wokiste » « Le Monde » a publié vendredi dernier un éditorial désespéré dans lequel il affirmait que « le parti de Marine Le Pen n’est fort que lorsque ses adversaires apparaissent faibles ». L’ancien « journal de référence », favori du « caviar gauche », aujourd’hui considéré par beaucoup comme le représentant du « couscous gauche », a oublié de souligner que 72 % des Français soutiennent l’annulation du traité signé avec l’Algérie en 1968.

L’union de la droite et le vote perdu par la gauche

L’« union de la droite » lors du vote de jeudi dernier a enthousiasmé de nombreux électeurs qui, comme dans d’autres pays européens, rêvent d’un pacte entre les différentes formations conservatrices pour conquérir le pouvoir aux urnes. Marine Le Pen a réaffirmé qu’elle n’était pas favorable à ce mariage : « Mon projet n’est pas de sauver la droite, mais le pays », a-t-elle précisé. La candidate à la présidentielle de 2027 – si ses problèmes avec la Justice ne l’empêchent pas – explique qu’elle ne peut pas axer son combat sur la recherche du vote de la droite traditionnelle, alors qu’il est prouvé que l’essentiel de son butin électoral vient de citoyens déçus de la gauche : « Je suis une femme politique élue dans une circonscription qui depuis plus de 80 ans a voté communiste ou socialiste » (Hénin-Beaumont, au nord du pays, ancien bassin minier). L’« union de la droite » ne deviendra donc pas effective de manière organique, mais les électeurs de la « droite faible » – et Le Pen le sait – se précisent chaque jour davantage et le manifesteront aux urnes, selon tous les sondages.

Parallèlement, le RN a été autorisé à voter cette semaine aux côtés de l’extrême gauche une proposition visant à appliquer une taxe aux multinationales étrangères opérant en France pour une valeur de 26 milliards d’euros, ce qui invaliderait les accords fiscaux signés avec plus de 120 pays. Quelques heures plus tard, il a contribué avec le centre-droit à enterrer l’impôt totem de la gauche, l’impôt confiscatoire « Zucman », et à réduire le champ d’application de l’« impôt sur la fortune immobilière », décaféiné en « impôt sur la richesse improductive ».

L’incertitude politique que traverse la France, avec le gouvernement de Sébastien Lecornu qui tente de sauver un budget et sa position à l’Assemblée et la dégradation de l’image du président Macron – et du pays -, continuent de dynamiser le parti de Marine Le Pen dans les travaux des instituts d’opinion. La société « Odoxa » porte Jordan Bardella, président du Regroupement national, à 36% de soutien citoyen, soit un point de plus que sa patronne, Marine Le Pen. (Macron reçoit 11% de confiance parmi ses concitoyens).

Un succès de livre

Tous deux ont également profité cette semaine du succès populaire du dernier livre de Bardella, « Ce que veulent les Français », un texte structuré autour d’une vingtaine d’entretiens/portraits avec des citoyens de différentes régions et professions. En Espagne, l’importance que les Français accordent à la « littérature » politique peut paraître curieuse, mais ici c’est toujours un événement qui sert à mesurer un soutien populaire qui ne se reflète pas toujours dans les urnes. L’année dernière, Bardella a vendu à plus de 200 000 exemplaires son ouvrage « Ce que je cherche », un peu moins que le livre « Mémoricide », de l’homme politique souverainiste Philippe de Villiers. Nicolas Sarkozy a réussi à en vendre 90 000 avec « L’heure du combat ». A gauche, l’ancien président socialiste, François Hollande, est loin derrière avec son opus « Face », tiré à 17 000 exemplaires. En bas de liste figure la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, qui a à peine fait apprécier à un millier de lecteurs « La Ville, lieu du possible ».





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