« L’extrême droite a créé une milice » : des extrémistes français profitent du meurtre d’un adolescent pour attiser la violence
Tout a commencé avec la mort tragique d’un adolescent assistant à un bal de village dans le sud de la France. Bien que les circonstances de sa mort restent floues, des membres de l’extrême droite française l’ont immédiatement imputée au sentiment « anti-français », descendant en masse dans la région pour venger sa mort.
Des témoins ont décrit une scène rare et effrayante : une centaine de militants d’extrême droite, pour la plupart armés et masqués, se sont rassemblés samedi dans la petite ville de Romans-sur-Isère pour venger la mort de Thomas, 16 ans. Le lycéen rugbyman est décédé des suites de ses blessures le 19 novembre après avoir été poignardé dans le village voisin de Crépol lors d’une rixe qui aurait éclaté entre des spectateurs et un groupe arrivé en voiture à la fin du bal. Neuf personnes ont été arrêtées en lien avec ce meurtre.
Un expert français a mis en garde contre la capacité croissante de l’extrême droite à s’organiser et à semer la discorde sur la base des preuves les plus fragiles.
Même si le procureur régional Laurent de Caigny a affirmé que la bagarre ne semblait pas être une attaque préméditée fondée sur « la race, l’origine ethnique, la nationalité ou la religion », neuf témoins sur 104 ont déclaré avoir entendu des commentaires hostiles à l’égard des « Blancs » lors de cette bagarre. le combat.
Ces informations ont provoqué la colère de l’extrême droite française, incitant Marine Le Pen, chef du Rassemblement national, à qualifier cette attaque d’« attaque organisée » et sa nièce, la politicienne d’extrême droite Marion Maréchal, à la dénoncer comme un « racisme anti-blancs ».
Les groupes d’extrême droite y ont vu un appel aux armes, certains membres exhortant leurs compatriotes « patriotes » à « faire payer aux agresseurs » la mort de Thomas.
« Moment très effrayant »
Une manifestation a eu lieu samedi dans le quartier majoritairement immigré de La Monnaie à Romans-sur-Isère, où résideraient certains des suspects de sa mort. Mais ce qui ressort, c’est que les participants étaient venus des « quatre coins de la France » et que la manifestation avait mis moins d’une semaine à s’organiser.
« Nous avons vu des gens de Besançon, de Paris, de Montpellier et de Nantes se rassembler », a déclaré Andrew Smith, historien à l’université Queen Mary de Londres et spécialiste de la France moderne.
« Je pense que c’est un moment très effrayant pour ce que cela dit sur la capacité de mouvements politiques assez extrémistes à organiser et à projeter ce genre de violence de rue dans les rues de France », a-t-il déclaré, faisant référence aux nombreuses altercations avec la police qui ont suivi. la détention de plus de deux douzaines de militants, dont beaucoup appartiennent au groupe violent d’extrême droite Division Martel.
Au moins six des personnes arrêtées ont été condamnées lundi à entre six et dix mois de prison, notamment pour attaques armées contre la police, lors d’une série d’audiences accélérées en début de semaine.
Une source policière a indiqué à l’AFP que des militants d’extrême droite avaient spécifiquement ciblé le quartier de la Monnaie pour tenter de lutter contre une partie des jeunes immigrés qui y vivaient.
« L’extrême droite a essentiellement constitué une milice », a déclaré Smith, ajoutant que leur objectif était de « mener une attaque violente contre ce qu’ils perçoivent comme quelque chose lié à l’immigration ».
De plus en plus organisé
Le site d’investigation français Mediapart a noté que la capacité de l’extrême droite à s’organiser comme elle l’a fait à Romans-sur-Isère est un phénomène relativement nouveau, mais ce n’est pas la première fois.
À la fin de l’année dernière, une quarantaine de militants d’extrême droite ont été arrêtés à Paris pour un projet présumé d’attaque raciste contre des supporters de football marocains rassemblés sur les Champs-Élysées pour assister à la demi-finale contre la France. Beaucoup d’entre eux, dont au moins une douzaine étaient signalés comme « Fiche S » – ou menace potentielle pour la sécurité – s’étaient rendus dans la capitale française en provenance d’autres régions de France.
« Lorsque des actions violentes sont planifiées, elles rassemblent généralement des individus d’une même ville ou d’une même région », avait alors déclaré une source policière à Mediapart. « Dans cette affaire, une quarantaine d’hommes venus de différentes régions de France ont répondu à l’appel. C’est rare, voire unique.
Depuis lors, le schéma s’est répété dans au moins une poignée de cas.
Au début de l’année, la petite ville de Callac en Bretagne a abandonné un projet spécial d’accueil de réfugiés après que les autorités municipales ont reçu des menaces de mort et de viol de la part de membres de groupes d’extrême droite venus de tout le pays.
En avril, la petite ville balnéaire de Saint-Brevin est devenue le théâtre de violentes échauffourées après que des militants d’extrême droite d’autres villes se sont joints à une manifestation protestant contre la création d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile.
Smith a déclaré que la principale raison pour laquelle l’extrême droite s’implique dans des manifestations violentes comme celle de Romans-sur-Isère est de « promouvoir des idées de violence intercommunautaire ».
Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé mardi qu’il cherchait à interdire trois groupes d’extrême droite, dont la Division Martel, avertissant qu’« il y a une mobilisation au sein de l’extrême droite qui nous ferait basculer dans la guerre civile ».