Les accusations fusent après l'explosion qui a touché un système d'approvisionnement en eau clé au Kosovo
Une explosion a endommagé vendredi soir un aqueduc clé au Kosovo qui alimente en eau les deux principales centrales électriques du pays, suscitant des allégations et des récriminations avec la Serbie voisine dans un contexte de tensions croissantes dans la région.
Pristina a qualifié l’explosion d’« attaque terroriste » perpétrée par la Serbie voisine, une accusation que Belgrade a rapidement qualifiée de « sans fondement ».
Quelques heures après l'attaque, une vaste opération de police dans le nord du Kosovo a permis de découvrir plus de deux cents uniformes militaires, des lance-grenades antichar, des kalachnikovs et des insignes des armées russe et serbe, ont indiqué les autorités du Kosovo.
« Il s'agit de l'attaque la plus grave contre les infrastructures critiques du pays depuis la fin du conflit dans le pays », a déclaré samedi soir le ministre de l'Intérieur du Kosovo, Xhelal Sveçla, aux journalistes.
Selon la police, environ 20 kilogrammes d'explosifs dans un sac noir ont été placés sur une section de l'aqueduc de Zubin Potok et enflammés au moyen d'un détonateur filaire.
« Il ne s’agit pas d’une attaque aléatoire ; il a été bien organisé et planifié par un groupe professionnel… visant à maximiser les dommages causés au Kosovo et à ses citoyens », a déclaré Sveçla.
Huit personnes ont été arrêtées parce qu'elles étaient soupçonnées d'avoir planifié et organisé l'attaque.
Le Kosovo reste la région la plus instable des Balkans, avec des tensions constamment vives entre le pays, qui a déclaré son indépendance en 2008, et son voisin du nord, la Serbie.
En septembre de l'année dernière, dans la même région du pays où a eu lieu l'explosion de vendredi, des affrontements armés ont éclaté entre des hommes armés locaux et la police du Kosovo, tuant un policier et trois assaillants.
Depuis lors, les forces de police ont renforcé leur présence dans les zones habitées par la minorité serbe locale, qui reste méfiante à l'égard des autorités du Kosovo et a manifesté à plusieurs reprises ces derniers mois, invoquant ce qu'elle considère comme des mesures excessives de la part du gouvernement de Pristina.
Les autorités du Kosovo ont immédiatement imputé l'explosion de vendredi à la Serbie.
« Il s'agit d'une attaque criminelle et terroriste visant à endommager nos infrastructures critiques (…) menée par des gangs organisés et dirigés par la Serbie », a déclaré samedi le Premier ministre du Kosovo, Albin Kurti, dans un communiqué.
Belgrade a rejeté l’accusation, la qualifiant de « sans fondement… formulée à la hâte et sans preuve ».
Les deux pays entretiennent depuis plus d’une décennie un dialogue facilité par l’UE visant à aplanir leurs différences avant de pouvoir potentiellement devenir membres du bloc.
Les pourparlers sont récemment au point mort, en grande partie à cause des relations tendues entre Kurti et le président serbe Aleksandar Vučić. Leurs personnalités plus grandes que nature sont largement considérées comme inadaptées à un processus de négociation sensible qui exige des compromis importants de la part des deux parties.
Les réunions du dialogue de Bruxelles sont souvent retardées ou échouent à produire des résultats lorsque les tensions s'intensifient sur le terrain.
Le Service européen pour l'action extérieure partage l'évaluation du Kosovo selon laquelle l'explosion constitue un acte de terrorisme. « L'Union européenne condamne dans les termes les plus fermes l'attaque terroriste commise vendredi sur le canal d'eau Iber Lepenc/Ibar Lepenac à Zubin Potok, dans le nord du Kosovo », a indiqué le SEAE dans un communiqué, offrant son soutien à l'enquête sur l'explosion.
Au cours des deux derniers mois, la mission de maintien de la paix de l'OTAN, qui constitue de facto l'armée du Kosovo depuis le conflit de 1998-1999, a progressivement accru sa présence en prévision d'éventuelles escalades, notamment une mission de 45 jours menée par les troupes britanniques qui ont récemment a terminé son déploiement.
L’attaque atterrira sur le bureau de la toute nouvelle haute représentante de l’UE pour la politique étrangère, Kaja Kallas, qui doit prendre ses fonctions la semaine prochaine. Certains dans la région prédisent que Kallas jouera un rôle plus direct dans la situation au Kosovo en raison de ses fortes convictions anti-russes, ce qui pourrait inclure une approche plus conflictuelle envers la Serbie.