Histoire d’un baiser
Les meilleures idées, comme les Rois Mages ou l’amour, durent généralement peu, ou moins que ce que nous souhaiterions. Grandir, c’est en quelque sorte cesser de croire, mais une fois la foi perdue, la mémoire demeure, ce qui est une autre forme d’illusion. Les réseaux sociaux en laissent aujourd’hui de bons exemples.
En plusieurs langues (français, anglais, allemand, portugais, espagnol…), des habitants des quatre coins du monde partagent la même nouvelle sur X (anciennement Twitter) : Françoise Bornet, moitié de la célèbre photo du baiser dans Paris pris par Robert Doisneau en 1950. C’est l’une des images les plus reproduites et vendues de l’histoire de la photographie – elle apparaît sur des affiches, des étuis de téléphones portables, des housses de coussin… – parce qu’elle met en scène – ou parce qu’elle est devenue un objet universel. patrimoine : l’image mentale que se font de l’amour les Parisiens et ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans la capitale française. Ainsi, pour une grande partie de la communauté Twitter, Françoise Bornet est un personnage familier, une mort à pleurer en public.
La photo, magnifique, s’est agrandie grâce à ce que les spectateurs du monde entier y ont projeté, mais, comme les Rois Mages, présents au théâtre depuis plusieurs jours, il y avait derrière elle plus d’illusion que de réalité. L’historien Fernando Siles (@itineratur, 113 000 followers) l’a expliqué dans un excellent fil X récupéré ces jours-ci et qui accumule des milliers de retweets et de favoris. Il y raconte brièvement : « Un jour, le magazine lui demande de faire un reportage sur les amoureux à Paris, et le lendemain, il engage des comédiens parce qu’on ne va pas expliquer aux Américains que ce n’est pas facile du tout. » .» [corría 1950]. Il agit comme s’il était assis à la terrasse d’un café, avec l’Hôtel de Ville en arrière-plan, attendant que quelque chose d’extraordinaire se produise. Vous payez les jeunes, envoyez les photos, récupérez votre argent, archivez les photos et oubliez ça. 30 ans passent. Ils demandent l’autorisation de vendre des affiches et, sans savoir comment, se retrouvent sur les murs des chambres d’adolescents du monde entier. Doisneau ne cesse de recevoir des lettres de personnes qui se reconnaissent sur la photo. Un roman est même écrit sur ce phénomène. Le vrai couple apparaît. Il s’agit de Françoise Bornet et Jacques Carteaud.
1/ Que Doisneau soit le photographe de Paris n’est pas nouveau. Ce que l’on sait moins, c’est comment il a réussi à prendre autant de photos uniques avec des moments qui ne se produisent qu’une fois dans sa vie.
C’est aujourd’hui #Mégathread refaire
TRICK OR KISS et prenez des photos comme Doisneau.
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– Itinéraire (@itineratur) 9 janvier 2022
Les filles du photographe gardent désormais ses archives. L’une d’elles, Annette, a expliqué qu’elle détestait de toutes ses forces le cliché qui a rendu son père célèbre dans le monde entier. En cause, le procès auquel Bornet l’a conduit pour le droit à l’image. Doisneau a gagné parce que le tribunal a estimé qu’elle n’était pas reconnue sur la photo et parce que l’homme qui l’embrassait alors – et qui lui couvrait une bonne partie du visage – a témoigné en faveur de l’artiste. Le couple s’était séparé des mois après le portrait. «Cela a coûté la vie à mon père», a déclaré Annette. Il n’a jamais pu le comprendre. Bien qu’il soit mort d’un problème de foie, au fond, c’est la tristesse qui l’a tué.
Dans son fil X, Siles se souvient que Doisneau, connu comme le photographe du quotidien, avait un jour avoué : « Je ne représente pas la réalité telle qu’elle est, mais telle que j’aimerais qu’elle soit. » Dans le documentaire, qui fait le tour de sa vie et de son œuvre, on comprend clairement pourquoi : quand il avait sept ans, sa mère est décédée, son père s’est remarié et sa belle-mère n’a jamais été affectueuse avec lui. Il a vécu deux guerres mondiales, la Grande Dépression… et peu de temps après avoir commencé à faire de grands reportages pour les journaux parisiens, il a dû aller travailler comme photographe dans l’endroit le moins romantique : une usine automobile. Autant qu’il le pouvait, il cherchait à conserver, à l’aide de son appareil photo, cette beauté qui s’éloignait, comme l’enfance s’efface, faisant de chaque promenade l’occasion de trouver quelque chose d’extraordinaire, comme si chaque jour était celui des Rois Mages. matin.