La France appelle à un « effort collectif » pour procéder à un ajustement de 60 milliards et assainir ses finances publiques
Le gouvernement français a révélé jeudi comment il compte assainir les caisses de l'Etat et réaliser un ajustement en termes d'économies à hauteur de 60 milliards d'euros. L'objectif, a-t-il insisté, est de réduire le déficit à 5 % du PIB en 2025, grâce à des coupes drastiques dans les dépenses publiques et à des hausses d'impôts sur les grandes entreprises et les fortunes. Cet effort, qualifié de « sans précédent » par le ministre du Budget, sera « collectif » même s'il ne touchera pas tout le monde de la même manière. La norme financière entamera son parcours législatif au milieu du mois, un processus qui s'annonce difficile, avec un exécutif fragile et sans majorité parlementaire, dirigé par le conservateur Michel Barnier.
« Il faut prendre des décisions courageuses maintenant pour éviter des décisions douloureuses plus tard », a déclaré le ministre du Budget Laurent Saint-Martin, à l'issue du Conseil des ministres qui a validé le projet de financement pour débat à l'Assemblée nationale. Avec le ministre de l'Économie, Antoine Armand, il a insisté sur le fait que le texte pourrait être amélioré lors des débats parlementaires, où il devra obtenir une majorité de soutien pour être approuvé avant Noël. Les augmentations d’impôts, ont-ils souligné, seront « temporaires, sélectives et exceptionnelles ».
Le gouvernement, qui comprend des membres du parti républicain conservateur et de l'alliance de centre-droit du président Emmanuel Macron, a présenté deux documents. Un projet de loi de finances et un autre pour le financement de la Sécurité Sociale. Pour parvenir à un ajustement de 60 milliards d'euros, la deuxième économie de l'Union européenne veut réduire les dépenses publiques de 40 milliards d'euros et augmenter de 20 milliards d'euros les impôts sur les plus hauts revenus et les grandes entreprises. Les coupes dans le secteur public représentent donc les deux tiers de l'effort et affecteront principalement l'exécutif central.
Concrètement, les autorités prévoient de supprimer 2 201 postes de fonctionnaires et 4 000 enseignants dans l’enseignement public. Ils prévoient également de réduire les budgets de ministères comme ceux des Sports, après les Jeux olympiques de Paris, et de la Justice. Le Gouvernement, en revanche, a proposé d'augmenter celui des Forces armées. Une autre mesure notable pour réduire les dépenses sera le report de six mois de la revalorisation des retraites, l'une des mesures qui a suscité le plus de critiques ces dernières semaines car elle touche également les retraités qui gagnent le moins. Il y aura également une réduction de 5 milliards d'euros dans la contribution du gouvernement aux structures locales telles que les conseils municipaux. La Sécurité sociale sera également touchée, avec des réductions de prise en charge des consultations médicales.
Contribution « exceptionnelle » des grandes entreprises
Dans le domaine des revenus, l'Exécutif a demandé une « contribution exceptionnelle » aux quelque 400 entreprises qui facturent plus de 1 000 millions d'euros par an. Les entreprises paieront un supplément supplémentaire sur leurs bénéfices obtenus en France en 2024 et 2025, ce qui devrait contribuer à hauteur de 12 milliards d'euros aux caisses publiques dans les deux prochaines années. Cette mesure met fin à sept années de réductions de l’impôt sur les sociétés, promues par Macron.
D'autres revenus proviendront de l'augmentation des impôts sur les plus riches [los hogares que ingresen más de 500.000 euros anuales en pareja o 250.000 euros solas]. Les dispositions concerneront 65 000 contribuables pendant trois ans, avec un impôt minimum de 20 %. Le ministère de l'Économie espère récolter 2 milliards de dollars par an grâce à cette mesure. Le gouvernement prévoit également une taxe sur les grandes entreprises de transport maritime avec laquelle il estime gagner 800 millions d'euros, et des augmentations dans les secteurs du transport aérien et de l'électricité.
L'objectif de l'Exécutif est de corriger la dégradation accélérée des finances françaises. La dette publique représentait 112% du PIB fin juin et le déficit devrait atteindre 6,1% cette année. La « crédibilité » de la France sur les marchés internationaux est en jeu, a prévenu M. Barnier quelques heures avant le conseil des ministres, ajoutant qu'il recherchait un effort « juste » et « équilibré ».
Déposé par Bruxelles
La Commission européenne a déjà ouvert un dossier contre Paris pour déficit excessif. Les primes de risque françaises augmentent également. L'obligation française à 10 ans se négocie actuellement à 3%, un taux supérieur à l'obligation allemande et aux obligations à 10 ans espagnoles et portugaises.
Ce sont les budgets les plus compliqués de ces dernières années. Non seulement en raison des efforts que cela implique, mais aussi en raison de la situation politique fragile du pays. Le projet arrive avec neuf jours de retard et le gouvernement, nommé en septembre après les élections législatives anticipées de juillet, a eu à peine 20 jours pour l'écrire. Le parcours parlementaire ne s’annonce pas facile. Le nouvel Exécutif a surmonté mardi sa première motion de censure grâce au soutien de l'extrême droite de Marine Le Pen.
La présentation des budgets est pour ainsi dire le premier grand défi auquel est confronté Barnier, ancien négociateur européen du Brexit. Les premières critiques sont déjà arrivées et seront à nouveau entendues dans les prochaines semaines au Parlement. Sans majorité stable, le gouvernement devra réfléchir à la manière d'approuver le règlement financier au cas où il n'obtiendrait pas un soutien suffisant.
«Je souhaite qu'il soit adopté par l'Assemblée nationale [la cámara baja del Parlamento]. Mais si nous n’y parvenons pas, nous utiliserons le 49.3, qui est un outil constitutionnel », a déclaré Barnier le 3 octobre. Mais en échange de l’utilisation de cet article de la Magna Carta, qui permet d’approuver des textes par décret et qui a été largement utilisé par Macron, le Gouvernement risque de se retrouver face à une nouvelle motion de censure. Ce sera toute la question des prochaines semaines.
